Karine et Serge NOWAK

POÉSEA – Des bateaux et des hommes
Notre appréhension de la photographie est centrée sur un souci d’éthique et d’esthétique. Notre démarche personnelle s’est construite comme un véritable parcours philosophique dans lequel nous nous attachons à observer le quotidien dans ce qu’il a, à priori, de plus ordinaire. Nous cherchons à en révéler les êtres, les lieux et les atmosphères dans leur dimension unique et extraordinaire. Bref, nous tentons simplement de voir le monde différemment !
Lorsque nous réalisons un portrait, nous réalisons une multitude de prises de vues afin de sélectionner les clichés répondant à nos critères professionnels. Ensuite, nous présentons notre sélection à la personne photographiée, afin qu’elle puisse choisir la photographie qu’elle souhaite montrer.
Le vingt et unième siècle est résolument numérique, et les développements dans le champ de la photographie sont saisissants. Malgré cela, bien qu’utilisant des boitiers numériques, nous avons fait le choix d’appareils à visée télémétrique et mise au point manuelle. Les réglages couplés temps d’exposition/diaphragme sont également manuels, et nous privilégions des focales comprises entre f8 et f16 afin de favoriser une profondeur de champ optimale.
N’étant pas limités à trente-six vues comme au temps de l’argentique, nous avons néanmoins à cœur de penser l’image avant d’appuyer sur le déclencheur, afin de ne conserver que les clichés pour lesquels nous pouvons envisager un traitement sans retouche ni recadrage. Penser l’image, guetter l’instant, ce sont là des règles fondamentales chères aux photographes qui ont contribué à la naissance de l’agence photographique Magnum. Même à l’heure de l’autofocus et du numérique, il est important d’avoir des Maîtres et de se nourrir de l’expérience des Anciens !
« Poésea – Des bateaux et des hommes » dévoile une cartographie presque géologique de vieilles coques de bateaux, et révèle toute l’alchimie qu’il advient du travail de l’homme à l’épreuve du temps et des éléments. Musée à ciel ouvert, la matière ensevelie sous de multiples strates de peintures, algues ou coquillages, témoigne de l’histoire et des blessures de l’embarcation. Au hasard des rencontres, nous sommes ensuite allés à la rencontre de celles et ceux qui restaurent de vieux gréements dans le but de les ramener vers la mer.
Nous avons fait nos premières images de coques à deux pas de chez nous, simplement dans l’idée de découvrir les potentialités de notre nouveau boitier photographique. Le résultat était étonnant, mais il fallait revenir avec le trépied pour obtenir toute la qualité souhaitée. C’est ainsi que, par hasard, nous avons rencontré Robert, affairé à la restauration de son bateau. Cette rencontre a littéralement « transformé » notre essai photographique en nous ouvrant la voie à un véritable sujet, alliant une esthétique picturale dont seule la Nature est capable, et la sensibilité des rencontres humaines.
Robert nous a parlé de l’aide que lui prodiguait l’association « Amarrage » dans la remise en état de sa vaquelotte . Cette association a été créée par un collectif de soignants et de patients de la Fondation du « Bon Sauveur » de Picauville (Normandie). Sa vocation est de créer du lien social entre des patients souffrant de pathologies mentales et des passionnés de navigation traditionnelle issus de la société civile, en restaurant d’anciens bateaux de la région.
Un vieux bateau est résolument beau et émouvant, mais que devient-il lorsqu’il n’est plus en état de naviguer ? Y a-t-il une vie après la mer ? Cette thématique photographique nous a menés au cœur même du lien qui unit le bateau et les hommes : un lien fait de passion, de persévérance et même de fidélité. En témoignent de nombreuses histoires de bateaux voués à la casse et sauvés par l’entêtement d’une poignée d’idéalistes !
Nous avons sillonné le littoral du Cotentin, de Granville à Carentan, en passant par Portbail, Goury, Cherbourg, Barfleur ou Saint-Vaast. Nous avons réalisé des prises de vues en couleur afin d’obtenir des images abstraites aux couleurs éclatantes de ces vieilles coques. Ces « beaux dégâts » naturels sont un exact reflet de la réalité telle qu’elle est visible à l’oeil nu. Nous n’avons apporté aucun éclairage additionnel, ni effectué de retouche à l’aide de logiciels photographiques spécialisés. Toutes les prises de vues ont été effectuées aux alentours de midi et en plein soleil, à diaphragme fermé (f 16)avec des temps de pause longs (jusqu’à 20 secondes).
Nous accordons une grande importance au lien de confiance et la qualité de la rencontre avec les personnes que nous photographions. Nous avons réalisé les portraits en noir et blanc, puis recueilli la parole des membres de l’association sous forme d’entretiens enregistrés afin d’en extraire les textes d’accompagnement. Nous avons proposé à chacun de « se poser », plutôt que de « poser ».
Cette approche est plus sensible qu’il n’y paraît : restaurer l’ouvrage permet à l’homme de réparer le bateau tout en donnant libre cours à ses voyages imaginaires, mais il arrive souvent que les blessures du bateau fassent écho à celles de l’homme, et que de manière extraordinaire ce soit le bateau qui répare l’homme !
« Il y a ceux qui voient le monde tel qu’il est, et se demandent… Pourquoi ?
Il y a ceux qui voient le monde tel qu’il pourrait être, et se disent… Pourquoi pas ? »
(Georges-Bernard Shaw)

Ma passion pour la photographie est née des paysages du lac Baïkal gelé, en plein cœur de l’hiver sibérien. A mon retour, je me suis formée à l’Institut National de l’Audiovisuel (I.N.A.). Je suis membre de l’Union des Photographes Professionnels (U.P.P.) depuis 2007, date à laquelle j’ai créé une activité photographique professionnelle centrée sur la réalisation d’expositions.
Serge, mon époux, m’assiste au plan technique et matériel. C’est ensemble, jouant de notre complicité et de complémentarités, que nous réalisons nos prises de vues et l’impression numérique de nos photographies.